Homélie – 26ème dimanche du Temps Ordinaire

Les paroles et les gestes de Jésus dans les évangiles expriment souvent sa bonté, sa douceur, son attitude bienveillante envers les hommes et femmes de son temps. Mais aujourd’hui, c’est une parole forte, tranchante, sans compromission avec le mal. Une parole qui peut heurter, mais nous ne pouvons pas édulcorer le message du Christ et les paroles de saint Jacques. Il nous faut regarder le monde en face, avec nos péchés collectifs et personnels.
De nos jours le Christ dénoncerait les situations scandaleuses vécues par bien des hommes et femmes de notre temps, à titre d’exemples : les violences sexuelles, un poison dans l’Eglise et les institutions laïques où des figures iconiques, comme Jean Vannier et l’Abbé Pierre, sont tombées de leur piédestal. Tout cela est vécu douloureusement par les victimes d’abord et affecte profondément le corps ecclésial et social. Ensuite la pauvreté, sous toutes ses formes : La famine augmente à nouveau dans le monde ; et en France, 15% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté : voyez les files d’attente aux restos du cœur, et les centaines de familles orvaltaises qui viennent chercher leur colis alimentaires à l’association Partage Solidarité Orvault… enfin, La situation de nombreux migrants qui meurent avant d’arriver à leur destination ; et pour ceux qui arrivent, le plus souvent c’est un long trajet plein d’embuches et de galères qui les attend avant être régularisés !
Tout au long de la Bible, Dieu accompagne son peuple. Il prend la défense des plus fragiles : du pauvre, de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger.

   Oui, Dieu entend le cri des malheureux. Saint Jacques s’attaque à ceux dont les richesses sont mal acquises et mal utilisées : « Vos richesses sont pourries… votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille … dévorera votre chair comme un feu ». Il n’y va pas par quatre chemins. Ce n’est pas la langue de bois. Mais saint Jacques ne part pas en guerre contre les riches. Ce qu’il dénonce, c’est le mauvais usage des richesses. Il met les riches en face de leurs responsabilités :
   Le fondement, c’est que Dieu est juste et il aime la justice. Comme il a entendu les fils d’Israël, esclaves en Egypte, et les a délivrés, de même il entend le cri des malheureux et des exploités de notre terre : «Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers », nous dit Saint Jacques. Et, dans la Bible, ce thème revient constamment : ainsi, Dans le Deutéronome : « Tu n’exploiteras pas un salarié malheureux et pauvre, que ce soit l’un de tes frères ou l’un des immigrés que tu as dans ton pays,
dans tes villes. Le jour même tu lui donneras son salaire… car c’est un malheureux et il l’attend impatiemment. »
Saint Jacques nous dit que nous sommes responsables de la manière dont nous acquérons nos richesses, et aussi de la manière dont nous les utilisons. L’argent, en bon serviteur, peut contribuer au bonheur de tous et au bien commun. Par contre, l’argent, le pouvoir, l’emprise peuvent écraser les personnes, physiquement, moralement, spirituellement. L’autorité abusive porte de mauvais fruits ; il faut alors couper l’arbre à la racine. Dans l’Evangile les phrases du Christ sont sans concession : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute pour un seul de ces petits… mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache une de ces meules… et
qu’on le jette à la mer. » L’image est forte et la suite aussi. Le Christ ne nous conseille pas évidemment de nous couper un membre, ni de jeter quelqu’un à la mer ; mais il veut montrer la gravité de certains actes qui mettent en jeu la vie des personnes et de la communauté toute entière. Quelle actualité !

A travers toutes les vicissitudes que traverse le monde, nous avons la conviction que « Dieu marche avec son peuple ». C’est le titre du message du Pape François pour, aujourd’hui, la 110ème journée mondiale du migrant et du réfugié, dont je reprends ici de larges extraits. « Comme le peuple d’Israël au temps de Moïse, les migrants fuient souvent des situations d’oppression et d’abus, d’insécurité et de discrimination, d’absence de perspectives de développement. Comme les Hébreux dans le désert, les migrants rencontrent de nombreux obstacles sur leur chemin : ils sont éprouvés par la soif et la faim ; ils sont épuisés par les
peines et les maladies ; ils sont tentés par le désespoir. »
2ème citation : « Mais la réalité fondamentale de l’exode, de tout exode, est que Dieu précède et accompagne la marche de son peuple et de tous ses enfants, en
tout temps et en tout lieu. La présence de Dieu au milieu du peuple est une certitude de l’histoire du salut : « le Seigneur votre Dieu marche lui-même avec vous, dit le livre du Deutéronome, ; il ne vous lâchera pas, il ne vous abandonnera pas » (Dt 31, 6). De nombreux migrants se confient à Dieu avant de partir et lors des moments périlleux de leur voyage. Arrivés, ils sont souvent accueillis par de bons samaritains qui les accompagnent dans le processus d’intégration qui peut se révéler très long…
Plus loin, le Pape écrit : « Dieu, ne marche pas seulement avec son peuple, mais aussi dans son peuple, en ce sens qu’il s’identifie aux hommes et aux femmes qui cheminent dans l’histoire – en particulier aux derniers, aux pauvres, aux marginalisés – comme s’il prolongeait le mystère de l’Incarnation. »
« C’est pourquoi la rencontre avec le migrant, comme avec tout frère et sœur dans le besoin, « est aussi une rencontre avec le Christ. Il nous l’a dit lui-même. C’est Lui qui frappe à notre porte, affamé, assoiffé, étranger, nu, malade, emprisonné, demandant qu’on le rencontre et qu’on l’assiste » (Homélie de la Messe avec les participants à la Rencontre “Libres de la peur”, Sacrofano, 15 février 2019). Le jugement dernier raconté par Matthieu au chapitre 25 de son Évangile ne laisse aucun doute : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (v. 35) ; et encore « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous avez fait à l’un de ces
plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (v. 40). Et le Pape François de conclure ; « En ce sens, les pauvres nous sauvent, parce qu’ils nous permettent de rencontrer le visage du Seigneur ». (cf. Message pour la Troisième Journée Mondiale des Pauvres, 17 novembre 2019).

Frères et sœurs, nous sommes dans ce monde, mais pas de ce monde. Comme chrétiens, nous sommes appelés à lutter contre les racines du mal, à ne pas être complices des structures de péché, à faire œuvre de discernement dans nos comportements collectifs et individuels et à marcher ensemble vers le Royaume de Dieu, sans oublier ceux qui sont au bord de la route.

Yves Michonneau, diacre