Homélie – Solennité du Christ Roi de l’Univers – 34ème dimanche du Temps Ordinaire

    Quelle scène d’Évangile étonnante pour ce dimanche où nous célébrons le Christ-roi de l’univers ! Jésus, en accusé, les mains liées, devant Pilate, assis sur son trône. Pilate cherche à résoudre son problème vis-à-vis des juifs qui réclament la mort de Jésus, mais il jettera l’éponge, en se lavant les mains. Vous connaissez la suite…. Oublions donc les têtes couronnées que nous présentent les médias. Nous en sommes très, très loin… La royauté de Jésus n’est pas de cette nature. Jésus s’est toujours dérobé à la foule qui voulait le faire roi.
Devant Pilate, c’est au moment où il est condamné, humilié, enchaîné, que Jésus va affirmer clairement que « sa royauté ne vient pas de ce monde. » La royauté du Christ est une réalité difficile à appréhender. Elle nous paraît paradoxale : Il est roi, avec les attributs de puissance que lui donnent le livre de Daniel, l’Apocalypse et le psaume ; mais Jésus se déclare roi, au moment précis où il est au plus bas. Essayons donc d’y voir un peu plus clair. Mais nous n’épuiserons jamais cette réalité du Christ Roi qui ne sera clairement manifestée qu’à la fin des temps.
    Jésus Roi de L’Univers. Dans le livre de l’Apocalypse, Saint Jean nous présente le Christ ressuscité : « Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers ». Alpha et oméga, première et dernière lettre de l’alphabet grec, signifient qu’il est le commencement et la fin de tout. Toute l’histoire Humaine converge vers Lui. Il est donc la clé pour comprendre le sens de l’univers et le sens de notre existence sur cette terre. Son trône, c’est l’univers entier. Le psaume célèbre le Dieu créateur qui s’est revêtu de « magnificence et de force ». « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas ». Cette image de Dieu nous la partageons avec les juifs et les musulmans qui ont une grande
conscience de la transcendance de Dieu.
Mais pour nous chrétiens, la royauté du Christ lui est donnée par son Père, dont Jésus est le « témoin fidèle ». Elle n’a pas sa source dans le monde : « Non ma royauté ne vient pas d’ici » « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la Vérité ». Son royaume c’est celui de la vérité. La vérité réside en Dieu, c’est Dieu-lui-même. La vérité ne nous appartient pas, nous ne pouvons la découvrir qu’en nous mettant à l’écoute de Jésus. « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Le royaume de Jésus, c’est un royaume éternel, un royaume de vérité et indissociablement, un royaume d’amour.
C’est au moment où Jésus donne sa vie pour l’humanité, que le vrai visage de Dieu se révèle. « Dieu n’est qu’amour ». Prenons un moment pour contempler ce roi sur sa croix : son trône, c’est la croix ; sa couronne, une couronne faite d’épines tressées par les soldats ; on l’a dépouillé de ses vêtements, il est entre deux brigands, bref, il est le rebut de l’humanité. En se soumettant à une telle violence, le Christ affiche que sa royauté n’est pas de l’ordre de la domination, ni du rapport de force. Elle est de l’ordre du don de la vie et de l’amour. Le paradoxe, c’est que la croix du Christ est une prise de pouvoir sur le mal et « le dernier ennemi, qui sera anéanti, c’est la mort » dit Saint Paul aux Corinthiens (1 Co 15,26). Oui, la croix est une victoire sur tout ce qui peut conduire l’humanité à sa perte. Cette croix du Christ ne prend son sens qu’avec la résurrection. Elle ouvre à la vie. Elle est source de notre Espérance.

C’est pour cela que nous ne pouvons pas désespérer de notre monde. Jésus nous confie le monde, aujourd’hui pour faire advenir le royaume de Dieu qui est en germe. Nous pouvons nous lamenter sur tous les drames : le pouvoir insolent de l’argent qui écrase les petits et les pauvres, la guerre en Ukraine, en Israël et Palestine, au Soudan et ailleurs dans le monde, les murs qui s’érigent partout, le dérèglement climatique. Mais, comme chrétiens, gardons l’Espérance : le Christ sur sa croix a pris le pouvoir sur tous ces démons, en acceptant d’être mis à mort injustement. C’est à nous, ses disciples, de poursuivre, cette œuvre de libération pour qu’advienne le Royaume de Dieu. La Croix et la Résurrection nous donnent l’espérance que ce monde ne va pas à sa perte : Dieu rassemblera tous ses enfants dans son amour à la fin des temps. Oui, le Christ est bien l’alpha et l’oméga. C’est lui qui donne sens à l’aventure humaine.
A nous de travailler à l’avènement de ce Royaume. Dans cette marche vers le Royaume, nous sommes tous appelés à faire la vérité en nous et entre nous. Ce chemin exigeant de « l’amour dans la vérité », selon l’encyclique de Benoît XVI, nous conduit au Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie ». La vérité dans l’amour fraternel nous fait exister et accéder aux prémices du royaume de Dieu. Le mensonge, le non-respect de l’autre fourvoient l’homme et l’entrainent sur une voie sans issue… Aujourd’hui, le concept de « vérité alternative », conduit à nier ou à dénaturer les faits. Il est extrêmement dangereux. Selon
certains, nous sommes entrés dans l’ère de la « post-vérité » où le vrai et le faux n’ont plus aucune importance. Le Pape François insiste pourtant pour dire que les faits sont supérieurs aux idées. Les faits s’imposent. Dénaturer les faits pour servir ses propres idées ou ses propres intérêts, au niveau personnel ou sociétal, est une grave erreur aux conséquences diaboliques. La vérité est une.
Deux autres qualificatifs que nous trouvons, aux côtés de Vérité pour désigner Le Royaume du Christ sont Justice et Paix : Là aussi le travail n’est jamais fini, mais si nous mettons notre confiance et notre espoir dans Le Christ, nous pouvons dire avec Saint François d’Assise :
« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance’’.            
Yves Michonneau, diacre